PRESSE – Combien de peintres ont, de leur vivant, déposé leur collection d’art dans un musée édifié à leur seule intention ? Combien sont partis de rien, quasi-indigents, subventionnés par leur ville natale pour suivre des cours à l’Académie nationale des Beaux-Arts, et se sont enrichis de l’exercice de leur métier ? S’il y en avait plusieurs, Léon Bonnat serait de ceux-là. Mais natif de Bayonne, formé à Madrid, Paris et Rome au milieu du 19ème siècle, le peintre basque ne fera pas que vivre de son art : il deviendra, dit-on, l’artiste le plus riche de son temps.
[Extrait]
En 1900, un kilo de pain coûte 38 centimes, le salaire moyen journalier d’un ouvrier mineur s’élève à 5,04 francs(2)… et un portrait de commande réalisé par Léon Bonnat se vend 36.000 francs or. A ce tarif confortable, le peintre ajoute probablement les émoluments de sa carrière officielle, comme directeur de l’Académie des Beaux-Arts, notamment. Avec la fortune qu’il se construira, Bonnat, éternel célibataire, ne semble s’être offert aucune extravagance de dandy : pas d’attelage ostentatoire, pas de résidence secondaire à douves et tourelles, pas de fêtes fastueuses à son domicile parisien. On ne lui connaît à ce jour qu’un péché mignon : le goût de la collection d’art. Une passion plutôt, qui confère bientôt, à cet homme respectable et discret, la réputation d’un négociateur acharné dès qu’il s’agit d’arracher un croquis de Michel-Ange, ou une esquisse de Léonard de Vinci à une vente officielle ou dans des transactions privées. En 1893, dans une lettre à une amie, il décrira ce qu’il nomme sa « passion des belles choses » :
« Je n’en finirais pas si je m’appesantissais sur les émotions qui m’ont si souvent été données par les dessins, sur leur acquisition, les trouvailles, la patience dont j’ai dû donner plus d’une fois des preuves incontestables, et enfin sur mes joies de chasseur, quand, à l’affût depuis longtemps, je finissais par obtenir la feuille de papier convoitée. »
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REVISTA n°14 – Magazine créé par Claude Nori
automne 2007